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Chocho : enseigne éclectique et électrique

 

Février 2023

 

Chocho

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Chocho : enseigne éclectique et électrique

 

Ne jamais cesser de se perfectionner, telle est la devise du jeune chef franco-américain Thomas Chisholm. Formé au sein de tables multi-étoilées telles que Sur-Mesure au Mandarin Oriental mais aussi d'institutions bistronomiques comme le 6 Paul Bert ou d’enseignes très créatives comme A.T, cet américano-perpignanais passionné d’art s’est fait connaître du grand public en participant à Top Chef. Chez Chocho, sa table du 10ème arrondissement, il met à profit son éclectisme et dessine désormais sa propre carte “coup de poing”, dans une ambiance enlevée. Rencontre avec un chef audacieux, qui se joue des étiquettes.

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Thomas, vous avez vécu aux Etats-Unis avant de déménager en France à l’adolescence…

 

Oui, je suis né et j’ai grandi à Brooklyn dans une famille franco-américaine. J’ai toujours baigné dans une atmosphère multiculturelle. Les repas l’étaient d’ailleurs tout autant. Puis à l’âge de quatorze ans, je suis parti vivre à Perpignan avec ma mère, alors que je ne savais ni lire ni écrire le Français. Imaginez le choc culturel !

 

Comment êtes-vous venu à la cuisine ? 

 

J’ai toujours été passionné par l’art en général, même si j’ai été orienté très tôt vers un métier manuel. Au fur et à mesure de mon parcours, j’ai délaissé les standards gastronomiques classiques au profit d’une approche plus contemporaine et raisonnée de la cuisine dans laquelle je me retrouve pleinement.

 

Quelle est l’importance du visuel dans votre travail ?

 

Essentielle ! Lors de mon tout premier stage, lorsque j'ai vu le chef dresser ses assiettes, j’ai eu un choc esthétique. Je me suis rendu compte que je pourrais explorer ce côté artistique : dresser comme l’on peint. L’aspect final m’inspire autant qu’un bon produit, comme le menu monochrome que j’ai récemment conçu, à l’occasion d’un événement. Enfin, le contenant est aussi important que le contenu, comme je l’ai appris chez A.T dont le chef Atsushi Tanaka possède l’une des plus belles collections de vaisselle de Paris. Je collabore régulièrement avec des céramistes aux univers proches des miens, comme Lou Thomas à Marseille (Simone Loo Ceramics).

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Vous avez participé à la saison 12 de Top Chef. Qu’avez-vous retiré de cette expérience ?

 

Devoir parler autant de soi, cela force à l’introspection. De vraies séances de psychanalyse ! (Rires). J'avais aussi un petit blocage avec la langue française ; l’émission m’a permis d'accepter ma manière de parler, qui reflète mon parcours. Enfin, j’ai eu la chance de gagner en visibilité grâce à l’émission, ce qui m’a permis de rencontrer mes associés actuels.

 

En 2021, vous ouvrez Chocho, rue de Paradis…

 

Avec le groupe de restaurateurs Les Becs Parisiens, nous avons repris le local de l’ancien Bel Ordinaire de Sébastien Demorand. Le partage et l’échange sont au cœur de notre restaurant, un espace simple et chaleureux qui mêle comptoir et table d’hôtes, où chacun peut trouver sa place. Nous proposons une cuisine recherchée, mais dans une ambiance décontractée. Ayant grandi à Brooklyn dans les années 90, j’ai été bercé par le hip hop et cela s’entend dans la salle !

Chocho
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Comment définiriez-vous votre style ?

 

Je propose une cuisine d’auteur réfléchie, inspirée de mon vécu. Je ne m’interdis rien : depuis l’ouverture, l’on peine à nous coller une étiquette et tant mieux ! Cela suscite la curiosité. Je peux servir des assiettes gastronomiques, des plats bistronomiques, des recettes parfois très originales... Il n’y a pas de règle !

 

Vous proposez une cuisine marquée, dans la lignée des chefs qui vous ont formé… 

 

J'ai toujours recherché ce tranchant dans les personnalités et les goûts. Que ce soit en cuisine, en musique ou en peinture, j’aime les profils qui sortent du lot et osent ne pas plaire au plus grand nombre. Dans mes assiettes, cela se traduit par la recherche de l'acidité, de l’amertume ou encore du fumé comme dans cette assiette d’anguille fumée ikejime, aubergine marinée sauce fumet et aneth ou dans mon plat d’oignon de Toulouges, crumble baies roses et taleggio fumé. Je garde toujours bien sûr le souci de l’équilibre !

 

Quelle est l’influence de votre double culture sur votre carte ?

 

La gastronomie américaine n’a pas toujours été bien vue de ce côté de l’Atlantique alors j’ai mis du temps à assumer mon héritage en cuisine. Mais cette richesse américano-franco-catalane infuse désormais toutes mes recettes : pumpkin pie glacée, ouillade revisitée, ou cabillaud nacré que je vais bientôt servir avec sauce inspirée du clam chowder de Boston (NDLR : une soupe traditionnelle à base de palourdes, pommes de terre, lait et crème).

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Vous prônez une cuisine raisonnée et saisonnière. Quel est votre rapport au produit ?

 

Je fais partie d’une génération qui s’efforce de suivre au mieux les cycles de la nature. Je travaille avec des producteurs attentifs et passionnants, en qui j’ai une entière confiance : les produits qu’ils m’envoient sont le point de départ de mes recettes. Et s’ils produisent encore des aubergines en décembre en raison des hausses de température, je continue à les cuisiner.

 

Quel est celui dont vous ne pouvez vous passer ?

 

Le sel. L’assaisonnement est au cœur de ce métier. Les vinaigres sont aussi très importants dans ma cuisine : sureau, sapin, fleurs fanées… : on les infuse nous-mêmes.

 

Sur votre carte, l’on trouve le fameux “plat à saucer” : comment cette envie et cet intitulé peu commun sont-ils nés ?

 

Pendant des mois, je me suis demandé quel était le meilleur moment d’un repas. Imaginez la fin du déjeuner un dimanche, juste avant le fromage : il reste de la purée, de la vinaigrette et du jus de volaille dans l’assiette. Tout le monde est rassasié mais continue à saucer ! C’est l’essence de cet instant, cet équilibre entre sucrosité, acidité et salinité que j’ai voulu recréer dans le “plat à saucer”. Chez Chocho, il change au gré des saisons et des envies, mais j’ai un faible pour sa toute première version : purée de carotte, gel de vinaigre d’ail des ours, beurre de laurier liquide comme une huile verte et jus de veau.

Chocho

 

Quel est le meilleur moment pour découvrir Chocho ?

 

Le dimanche soir, installés au comptoir de la cuisine pour échanger avec les cuisiniers et observer le ballet du dressage. Nous recevons beaucoup de restaurateurs et de bons vivants ce jour-là et l’ambiance est toujours très animée.

 

Valentine Benoist

 

Chocho

Ouvert tous les jours, au déjeuner et au dîner

54, rue de Paradis, 75010 Paris

+33 (0)1 42 28 26 03

https://chocho.becsparisiens.fr/

 

Crédit photo : Olivier Toggwiler (Bureau Tonic Studio)