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CONVERSATIONS


La Botte secrète de   

Giovanni Passerini 

 

 

Mars  2022

Tartares

CONVERSATIONS

La Botte secrète de Giovanni Passerini

Paris a de la chance d’avoir Giovanni Passerini. Ce Romain de naissance explore une Italie culinaire foisonnante et encore méconnue, au-delà des idées reçues. Adulé par ses clients, primé par Omnivore et le Guide Fooding et célébré par ses pairs, son établissement éponyme a été élu meilleur restaurant italien en dehors de la Botte dans le classement de référence 50 Top Italy. Mais le territoire gastronomique de ce chef charismatique et inspiré est plus vaste encore car Giovanni est aussi un membre actif de la nouvelle bistronomie parisienne qui a émergé à la fin des années 2000. Rencontre avec l’un des cuisiniers les plus doués de sa génération.

Nosso
Nosso

Vous avez dit dans une interview que « la cuisine italienne n’existe pas ». Qu’entendez-vous par là ?

 

Je voulais dire que la cuisine italienne est en fait une constellation de cuisines locales avec leur histoire propre. Je pars d’un constat qui est un mystère : comment se fait-il que seulement 2 ou 3 % de la cuisine italienne ait traversé les Alpes ? Alors même que la France et l’Italie sont des pays qui ont une histoire commune et qui se connaissent bien. Je me documente beaucoup sur la grande variété des cuisines régionales de mon pays pour leur rendre hommage dans mon restaurant. On a trop souvent une idée réductrice de l’italianité : en fait, il faut accorder la cuisine italienne au pluriel.

Il existe par exemple une cuisine de Rome, votre ville, qui n’est pas la même que celle d’autres villes d’Italie…

 

La cuisine romaine n’a pas peur du gras, du salé, de l’amertume, des herbes avec les puntarelles, les artichauts, le radicchio, la chicorée sauvage... C’est une cuisine qui suit les saisons et pas seulement celles de la nature. Je m’explique : on célèbre encore beaucoup les fêtes religieuses en Italie et ces fêtes sont associées à des plats. Ils constituent un calendrier culinaire qui rythme l’année à table. Par exemple, en ce moment, on fait des bugnes comme partout dans le pays. Chez Ristorante Passerini*, je tiens à conserver aussi cette autre forme de saisonnalité, celle des humains. .

Nosso
Nosso

Vous êtes aussi un chef parisien : on vous a connu chez Petter Nilsson à La Gazzetta avant de vous retrouver dans votre première adresse qui s'appelait Rino, dans le 11ème arrondissement.

 

Cette époque mythique a été le “big bang” de la restauration moderne (rires) ! Le Chateaubriand d’Iñaki Aizpitarte et la Gazzetta de Petter Nilsson en étaient les hauts lieux et j’ai eu la chance de travailler dans les deux, avant d’ouvrir mon petit bistrot de quartier, Rino, en 2011. On a fait cette ouverture à l’instinct, avec les moyens du bord, en association avec mon grand ami Simone Tondo (NDLR : désormais chef propriétaire de Racines). Nous proposions un menu carte blanche qui a plu aux gens du quartier et à la presse spécialisée puisqu’on a eu un prix Fooding et un prix Omnivore la même année. Je revois encore l’un de mes meilleurs plats de cette époque : une brochette de rognons de lapins et d’escargots au beurre de cresson, glacés au jus de volaille, agrémentée de quelques râpures de truffe.

 

Puis vient cet élégant “ristorante” à votre nom : changement d’échelle, de quartier, de standing. Une ouverture qui se fait en duo avec Justine Prot, votre associée et épouse. Qu’avez-vous voulu construire ici ?

 

On a conçu et on gère cet établissement en binôme avec Justine. Nous avions tous les deux envie d’un local plus spacieux et plus confortable dans un cadre bourgeois mais décontracté. D’une salle qui donne plus de liberté aux clients. Et d’un restaurant où les plats peuvent se manger collectivement, aussi. L’idée de la pièce entière à partager s’est imposée. Ainsi est né notamment notre pigeon en deux services, un plat phare de notre carte : un premier envoi de pâtes avec une sauce aux abats et un second avec les pièces découpées sur un plateau d’argent. Non seulement on régale doublement les clients mais en plus on exprime toute la substance d’un produit, sans rien gaspiller.

 

Nosso

Et vous faites des pâtes à l’italienne, les meilleures de la capitale. Là aussi, la variété est de mise ?

 

Je cherche toujours l’équilibre sur ma carte entre des plats de pâtes classiques et bien connus et d’autres plus créatifs et moins attendus. Cela va des casarecce maison alla gricia, ce plat de pâtes romain par excellence, à base de pecorino romano de poivre noir et de guanciale, aux raviolis ricotta-épinards lustrés de beurre de sauge en passant par les linguines au persil, poutargue et calçots (NDLR : oignons doux catalans). Dans mes entrées, la logique est la même, entre tradition et innovation : par exemple, notre vitello tonnato est métissé avec du sarrasin et de la puntarelle.

Nosso
Nosso

On constate aussi sur votre carte un goût pour la cuisine basque ?

 

C’est une région qui m’inspire. Ses terroirs ont des points communs avec ceux de Rome et les produits qui en sont issus sont ceux que j’aime cuisiner. Alors il arrive que mes plats aient des touches de là-bas : par exemple, en ce moment, avec mon second Stefano De Carli et mes équipes, nous préparons une morue alla puttanesca, orange et trévise. C’est un plat romano-basque (rires) ! Je pense aussi à d’autres assiettes aux origines croisées, incertaines, comme la selle de lapin farcie aux artichauts romains.

Nosso

On a l’impression que même si vos créations sont très pensées, c’est le plaisir qui prime sur l’idée d’un plat.

 

Oui. J’aimerais qu’en lisant ma carte, les gens aient envie de tout prendre ! Qu’ils aient envie de revenir aussi. Soit pour manger un plat qu’ils connaissent et retrouvent à la carte, comme mes tripes à la romaine, soit pour goûter quelque chose de complètement nouveau. Je tiens à faire cohabiter dans ma salle les deux versants du plaisir à table, celui des retrouvailles et celui de la découverte. Ces deux faces de la joie du mangeur m’intéressent tout autant.

Tartares

 

Quelle est la prochaine recette italienne méconnue que vous aimeriez faire découvrir à vos clients ?

 

La soupe de poissons de roche de la mer Tyrrhénienne qui baigne le port de Rome. Il s’agit d’un fumet léger et clair. C’est presque une nage qui sent intensément la mer. On est aux antipodes de la bisque dense à la française.

 

Quel est votre geste préféré en cuisine ?

 

Faire les pâtes farcies. D’ailleurs, mon rêve a toujours été d’avoir une échoppe de pâtes farcies. C’est pour cette raison que l’on a ouvert notre boutique, Pastificio Passerini : on s’amuse ici à créer des raviolis originaux comme ceux aux carnitas mexicaines (NDLR : porc émietté) ou à la carbonade flamande (NDLR : boeuf braisé à la bière). Les variations sont infinies !

 

Vous avez ouvert très récemment un bar à vins sur le trottoir d’en face : Passerina. Une autre déclinaison du plaisir à table ?

 

Avec Justine, on avait l’idée d’ouvrir un bar à vins joyeux, joli, informel mais avec de bonnes bouteilles de vin nature et des petites assiettes bien faites. Pour l’anecodote, on y prépare un risotto cacio et pepe (NDLR : au pecorino et poivre noir), tous les soirs, vers 22h !

 

Si vous deviez faire l’éloge de votre clientèle, qu’en diriez-vous ?

 

Nos clients viennent comme ils sont. Ce sont des gens simples, hédonistes, qui nous ressemblent. Et ça, c’est une bénédiction quand on est restaurateur.

 

Aïtor Alfonso

 

Passerini

Ouvert mardi, dîner; du mercredi au samedi, déjeuner et dîner 

65, rue Traversière

75012 Paris

(+)33 1 43 42 27 56

https://www.passerini.paris/

 

Crédit photo : Olivier Toggwiler

 

 

* Passerini est partenaire d’American Express et membre de la Dining Collection. L’ambition de ce programme : faciliter l’accès aux meilleurs restaurants contemporains au travers de tables exclusivement pré-réservées à l’attention des porteurs de Cartes Premium American Express.