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IMMERSION

Yannick Alléno : Abysse et ordonnée

 

Dédembre 2023

 

En 2014, l’incontournable Yannick Alléno investit le Pavillon Ledoyen, mythique bâtisse néo-classique des jardins des Champs- Élysées. Quelques années plus tard, il cumule six étoiles Michelin pour les trois tables gastronomiques (Alléno Paris***, L’Abysse** et Pavyllon*) qui composent sa “nouvelle auberge” comme il aime la nommer. Le chef nous ouvre aujourd’hui les portes de L’Abysse, le comptoir à sushis doublement étoilé qu’il dirige en collaboration avec le chef japonais Yasunari Okazaki.

 

L'Abysse
L'Abysse

 

Son lien “fort et profond avec le Japon”, Yannick Alléno le cultive depuis son premier voyage à Sapporo, au Nord de l’archipel. Initié aux subtilités de la culture nippone par la journaliste Kazuko Masui, il s’y est rendu une trentaine de fois depuis et a même pu côtoyer le grand maître sushis Hachiro Mizutani : “il m’a montré comment saler les poissons, choisir les ormeaux, suivre une vente de thon aux enchères… mais attention, je ne prétends pas posséder tout le savoir-faire d’un maître comme lui !” nous précise-t-il.

 

Lorsqu’il reprend le Pavillon Ledoyen, le chef veut “rendre cette maison vivante”. En 2016, l’espace du rez-de-chaussée qui abrite désormais l’Abysse n’est alors qu'un bar : “cela ne fonctionnait pas car ce lieu est à la fois en plein cœur de la ville et très isolé. C’est un restaurant-destination : les Parisiens n’y viennent pas juste pour un verre”, décrypte-t-il. Il repense alors le format pour en faire une sorte d'antichambre “où boire une coupe de champagne et déguster quelques nigiris avant le dîner”. Alors, lorsqu'un palais averti lui conseille de contacter le chef tokyoïte Yasunari Okazaki, Yannick Alléno saute dans un avion, direction le restaurant Yui dans le quartier de Ginza. Sa rencontre avec cet “homme exceptionnel, à la main hypnotisante”, va donner toute son envergure au projet : “c'est dans notre ADN de démarrer petit et de finir grand”, sourit Alléno.

L'Abysse
L'Abysse
L'Abysse

 

Depuis, les deux chefs unissent leurs talents pour faire émerger le restaurant L’Abysse tel qu’on le découvre aujourd'hui : un comptoir à sushis moderne baigné de lumière. Ouvert en 2018, le volume blanc du restaurant conçu par la sculptrice et galeriste Laurence Bonel-Alléno “accompagne les convives dans un voyage franco-japonais inédit, avec le décor très parisien du petit Palais en fond”. Deux œuvres monumentales animent le lieu : les dix-sept mètres de mur corallien de l’artiste américain William Coggin qui enveloppent la salle, et la voûte, composée de soixante mille baguettes, conçue par le street artist japonais Tadashi Kawamata.

 

Au comptoir intimiste en bois de frêne-olivier, le menu Omakase reflète les expertises mêlées des deux maestros. Inspirés du répertoire moderne et de la passion pour les sauces du chef français, les amuse-bouches puis les desserts, traditionnellement absents au Japon, “structurent le repas autour de l’intermède de sushis”, nous explique-t-il. Concombre fermenté, crème de sésame blanc et cranberry ; fleur de courgette façon Shinjo et onctueuse quenelle de cabillaud, œufs de brochet fumé, pickles de fenouil et gel de verveine ; intense soupe de pépins de tomates, algue wakame bretonne, glace au nori et sobacha grillé… Ces délicates “émotions salées”, à la croisée des cultures ouvrent le bal, sont à accompagner d’un saké sec et floral du distillateur Zaku Impression.

L'Abysse
L'Abysse
L'Abysse
L'Abysse

 

Défilent ensuite les précieux nigiris du chef Okazaki. Après la découpe du poisson, ses gestes épurés façonnent chaque bouchée d’une main savante : riz plus ou moins pressé ou aéré, agrémenté d’une touche de wasabi pour composer la bouchée parfaite. Les poissons sauvages choisis par ses soins sont maturés sur-mesure afin d’atteindre l’équilibre idéal entre goût et texture : douceur du Saint-Pierre au jus de sudachi (agrume japonais) ; fermeté de la seiche sauce nato ; soyeux de la sériole en ikejime ; fondant du thon rouge d’Espagne rafraîchi d’une feuille de shizo ; finesse du bar breton, tendreté de la langoustine marinée au gingembre et saké puis tiédie sur le binchotan…

 

Yasunari a perfectionné au fil des ans la maturation propre à l’art du sushi, qui exige une intensité de travail rare”, explique le chef Alléno. Bouillons et extractions ponctuent quant à eux la dégustation, à l’image de cette profonde quintessence automnale à base de volaille, bonite, champignons shiitake et shimeji et gras de wagyu.

L'Abysse
L'Abysse

Pour clore cette plongée dans le sublime, le sucré prend la forme d’une délicate feuille de shizo givrée d’éclats de poire cryogénisée à -180 degrés puis d’une glace à base d’extraction de champignon de Paris, sirop d’érable, nougatine de sobacha et champignons shimeji pochés au jus de sudachi. À assortir de l’un de leurs cinquante sakés exclusifs sélectionnés par Louis Robuchon-Abe (Japan Exquise France), d’un thé, d’une infusion rare ou d’un grand cru : avec pas moins de neuf cent références de vins, la cave du lieu atteint elle aussi des profondeurs abyssales.

 

Valentine Benoist

 

L’Abysse

Ouvert du lundi au vendredi, déjeuner et dîner

8, avenue Dutuit

75008 Paris

(+)33 (0)1 53 05 10 30

https://www.yannick-alleno.com/fr/restaurants-reservation/restaurant-l-abysse.html

 

Crédit photo : Olivier Toggwiler (Bureau Tonic Studio)