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Aux Lyonnais :
le bon goût de bouchon
Décembre 2023
Situé à deux pas de l’Opéra-Comique, le spectaculaire bouchon lyonnais fondé en 1890 présente une nouvelle cheffe en cette rentrée. Victoria Boller, née à Lyon et élevée dans le Beaujolais, insuffle une énergie nouvelle à une gastronomie de tradition remise au goût du jour. Avec la sommelière Bathilde Tautou, elles forment un duo fraîchement arrivé mais déjà bien installé et haut en couleurs. Rencontre dans ce décor unique.
Dans l’écosystème Alain Ducasse, Aux Lyonnais occupe une place à part depuis 2002. Le grand chef aux vingt étoiles Michelin a une tendresse toute particulière pour ce restaurant d’époque, établi à la fin du 19ème siècle en précurseur parisien de la cuisine régionale d’entre Rhône et Saône. On comprend son attachement quand on arrive devant la devanture rouge vin aux armoiries de la ville des Gones, puis quand on passe la porte de cet écrin rétro ornementé de faïence et de moulures à motifs floraux. Un trésor d’adresse qui parle aussi au cœur de Victoria Boller, la nouvelle cheffe lyonnaise dont le parcours est jalonné de grandes maisons : chez Patrick Henriroux, Régis Marcon ou au Grand Véfour avec Guy Martin. Autant de cuisiniers prônant une gastronomie créative et rigoureuse qui ont appris l'exigence à la cheffe sans rien lui faire perdre de son goût pour la bonne chère. “Au vu de mes origines, quand le chef Ducasse m’a proposé ce poste, pour moi ça coulait de source. J’ai tout de suite pensé à faire une cuisine de tradition lyonnaise mais contemporaine”, raconte-t-elle.
Technicienne aguerrie, Victoria Boller a également rouvert ses livres de cuisine classique dont ceux d’Alain Chapel ou de la Mère Brazier, “afin de (s)’immerger dans la belle cuisine bourgeoise mise à l’honneur au 32 rue Saint-Marc”, nous confie-t-elle. Un travail de recherche qui lui permet de connaître intimement le répertoire classique, au point de s’autoriser à y ajouter sa touche personnelle. Mais alors, à quoi ressemble cette cuisine de tradition contemporaine, si l’on ose l’oxymore ? “Pour un mâchon, la collation typiquement lyonnaise du dimanche matin que l’on sert en version brunch ici, j’ai refait une mousse de fraise en suivant au pied de la lettre la recette d’Alain Chapel. Avec tout le respect que j’ai pour ce grand maître, on la trouverait très sucrée de nos jours. Alors sans la dénaturer, je l’ai allégée, j’ai réduit le sucre et y ai ajouté une touche de fraîcheur”, nous explique-t-elle.
Il en va de même pour les plats salés : les sauces, qui restent très gourmandes, sont volontairement moins grasses que jadis afin de faire honneur aux beaux produits qui passent avant toute chose. Car le goût de l’époque ne doit pas faire perdre ce qui fait le charme de cette cuisine qui “contente l’âme autant qu’elle comble l’appétit” comme le dit Alain Ducasse. “C’est une cuisine généreuse, gourmande, émouvante ; moi, j’y ajoute de la surprise, du jeu”, précise la cheffe.
Parmi les marqueurs lyonnais que l’on retrouve à la carte ou au menu, il y a notamment une intemporelle soupe d’ail et bouillon de volaille à la douceur veloutée, enrichie de pommes de terre, de lard fumé maison, de chips de persil et d'œufs de caille mollets. Une entrée à la fois rustique et fine pour débuter un repas placé sous le signe du réconfort.
On retrouve aussi une académique quenelle de brochet, oblongue et dorée, associée à une sauce de homard brillante relevée d’une touche d’estragon, le tout accompagné d’une onctueuse pommade de riz. "Traditionnellement, la quenelle est servie avec du riz à Lyon mais je voulais intégrer cet élément de manière plus originale, qu’il se fonde dans un jeu de textures avec le reste. J’ai aussi opté pour une sauce homardine plutôt qu’une sauce Nantua pour une bonne (et triste) raison : on ne trouve plus d’écrevisses dans nos rivières…”. Car cuisiner avec son temps c’est aussi tenir compte de la réalité du vivant, de la limitation des stocks disponibles.
Victoria Boller prépare également un pigeon maturé avec du maïs sauté au poivre, de la prune acidulée et un jus de pigeon corsé dans la plus belle tradition saucière. Et en dessert, elle sert un médaillon coulant de chocolat issu de la Manufacture du chocolat Alain Ducasse. “J’ai choisi un java 75%, suave et frais, pour mon sablé cacao-grué, que j’accompagne d’une boule de sorbet tamarin-mezcal de la fabrique de glace du chef Ducasse”, précise-t-elle. Un sorbet au goût légèrement tourbé qui rafraîchit et prolonge le caractère du chocolat.
L’historique bouchon est né comme une enseigne de vins. Il fallait donc une personnalité forte et un palais avisé pour reprendre ce flambeau : c’est chose faite avec Bathilde Tautou qui est arrivée presque en même temps que Victoria Boller et avec qui la complicité est manifeste.
“Je prends le relais de mes prédécesseurs qui ont constitué une cave à vins magnifique. Le chef Ducasse voulait un renouveau ici, apporter des énergies neuves et c’est ce qu’on insuffle dans ce lieu avec Victoria”, déclare la sommelière au verbe haut. En accord avec la cuisine de la cheffe, Bathilde Tautou fait couler dans les verres un rouge élégant du Château de Beaucastel des Côtes-du-Rhône, un blanc dense et salin de Vincent Girardin à Meursault, un pétulant cerdon du Bugey ou un côte-rôtie du domaine Jamet tout en souplesse et en expression : “c’est comme si Chopin jouait la 9ème symphonie de Beethoven !”, s’enthousiasme-t-elle.
On boit ses paroles comme on siroterait un pinot noir et on se dit que les clés de la cave de ce bouchon chic sont entre de bonnes mains. Et Bathilde de s’exclamer : “avec les baisers et la nourriture, le vin est le plus court chemin des lèvres au coeur”. Aux Lyonnais nouvelle génération tient-là sa devise.
Aïtor Alfonso
Aux Lyonnais
Ouvert du mercredi au samedi, déjeuner et dîner et le dimanche, au déjeuner
32, rue Saint-Marc
75002 Paris
(+)33 (0)1 42 96 65 04
Crédit photo : Olivier Toggwiler (Bureau Tonic Studio)
* Au sein du restaurant Aux Lyonnais, les porteurs de Cartes American Express Platinum et Centurion ont accès à des tables pré-réservées, et ce jusqu’en dernière minute.