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IMMERSION

Les Chemins au Domaine de Primard  : Romain Meder grandeur nature

 

Décembre 2022

les chemins

IMMERSION

 

 

Les Chemins au Domaine de Primard : Romain Meder grandeur nature    

 

C’est dans un élégant château du 18ème siècle ceint d’un immense parc bucolique non loin de Paris que Romain Meder est venu mettre son talent au vert. Une demeure qui fut pendant des années celle de Catherine Deneuve, aujourd’hui Domaine de Primard, où le précurseur de la naturalité en cuisine pousse loin ses préceptes en s’enracinant au plus près du végétal. En collaboration active avec Gérard Germaine, jardinier et mémoire vive des lieux, Romain Meder élève sa haute gastronomie champêtre vers les étoiles. Rencontre avec celui pour qui l'éco-responsabilité fonde une nouvelle idée de la gourmandise.

 

Les Chemins
Les Chemins
Les Chemins

Un immense potager, des arbres par dizaines, des animaux et de multiples jardins en abyme : le Domaine de Primard est un havre de paix. Pas étonnant que Romain Meder, ancien chef triplement étoilé du Plaza Athénée et meilleur élève d’Alain Ducasse, ait tout de suite imaginé s’installer ici afin de s’ancrer dans le vivant. “La rencontre avec Frédéric Biousse et Guillaume Foucher, les propriétaires du Domaine de Primard, s’est faite très naturellement : ils cherchaient un chef et quand j’ai visité les lieux, je me suis tout de suite dit que c’était un splendide terrain de jeu !” nous raconte-t-il. Le domaine accueille deux enseignes dans sa dépendance à double entrée : côté bistrot, Octave et son grill rutilant où la braise est de mise ; et côté table gastronomique, Les Chemins, épicentre de la création méderienne.

 

Figure de proue de la “naturalité”, l’Alsacien met sa technique classique française au service de la trilogie poissons-légumes-céréales. Plus qu’un concept, il s’agit d’une véritable ligne éthique et alimentaire, qu’il décline depuis bientôt dix ans et qui atteint son climax dans ce cadre idéal : “je veux que le restaurant Les Chemins soit en accord avec ce qui l’entoure et que mes équipes soient curieuses de tout ce qui est à portée de main sur le domaine, que ce soit le fruit du maraîchage ou de la cueillette sauvage. La question à se poser est : qu’est-ce qu’on a et qu’est-ce qu’on fait avec ? A ce titre, une simple carotte devient un mets précieux. Le défi que je me donne est d’en faire quelque chose d’incroyable, d’inoubliable. C’est là la réussite pour un cuisinier : rendre un moment à table impérissable à la mémoire.”

Les Chemins

 

Sur les divers terrains du domaine, ce matin-là, les équipes des Chemins ont ramassé des glands, des cornouilles, des pommes, du mouron des oiseaux ou des mousserons que l’on retrouve dans le menu proposé au déjeuner. Le chef-cueilleur tient à faire œuvre de pédagogie botanique auprès de ses troupes : “Ici, avant de transformer, on va chercher, car mes cuisiniers vont eux-mêmes cueillir au potager. Je trouve ce geste très important. C’est un moment de plaisir et de conscience accrue du vivant ; le rapport à la terre est direct et n’a rien à voir avec le fait d’appeler un fournisseur à Rungis quand on est en centre-ville. On cultive une grande sensibilité à la variété des herbes ou à la maturité d’un légume par exemple. Je me suis donné pour mission de planter une graine dans le cerveau de mes cuisiniers !”.

 

Ce travail de découverte et de création est mené en saine émulation avec Gérard Germaine, jardinier du domaine depuis quinze ans et connaisseur expert de tous ses recoins. “Si je demande à Gérard d’essayer de trouver du genévrier, il sait où aller regarder ; inversement, quand il m’apporte une fleur méconnue, je peux la travailler pour tenter de l’intégrer à mon menu”, nous confie Romain.

Les Chemins
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Si la production en “kilomètre zéro” est de mise, tout ne vient pas exclusivement du domaine car Romain a des producteurs qui le suivent depuis dix ans et qu’il est hors de question de les abandonner : “il y a une responsabilité des chefs auprès des pêcheurs, des agriculteurs, des sourceurs et on se doit de continuer à travailler avec eux. Et puis j’aime aussi beaucoup travailler le poisson et les fruits de mer et de toute façon, tout ne pousse pas sur ce terroir du bassin parisien”, ajoute-t-il. Une conscience de toute la chaîne des métiers de la restauration qui l’honore.

 

“J’aimerais faire comprendre qu’un joli pois chiche à autant sa place sur une table triplement étoilée qu’un turbot”. C’est par cette sentence inspirée que Romain Meder exprime toute l’ambition de son menu dégustation où l’ordre hiérarchique des éléments dans l’assiette gastronomique est bousculé, renversé. Le végétal figure en première ligne et la protéine devient la garniture du légume.

 

Les Chemins
Les Chemins
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Démonstration faite dans l’élégante et intimiste salle à manger des Chemins, un espace tout en épure, animé par un service prévenant et enjoué. Le menu en sept envois, imprimé sur un papier filigrané fait à partir d’épluchures d’asperges, débute par un délicat kombucha de pommes du jardin qui ouvre la voie à une parade champêtre exceptionnelle dont ce camé de Saint-Jacques juste saisi et déposé sur une émulsion de fanes de navet au fascinant garum de pollen.

 

Le nuancier des saveurs se détache très lisiblement aussi dans ces tagliolini de cenelle (NDLR : la baie rouge du houx) desséchée et réduite en farine pour être transformée en fines nouilles, auréolées d’un cèpe snacké et ointes d’une divine infusion de mousse des bois.

 

En plat d’orfèvre, est servie une demi-queue de homard maturé flanquée de saucisse de homard et de courge butternut, liées par la grâce d’un condiment de pinces de homard à la tanaisie (NDLR : une plante sauvage odorante) et électrisé d’un jus à la bergamote.

 

Les Chemins
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La maîtrise des amers, la subtilité des acides et la finesse du grillé sont les marqueurs de cette belle ouvrage qui reste très française car Romain Meder est un cuisinier saucier : le bouillon ou le jus sont le point d’orgue de chaque assiette, l’élément qui met en branle un plat. La robustesse des goûts et la véhémence des sauces sont ici comparables à celles de la rôtisserie. Car pour être végétale, sa cuisine n’en est pas moins gourmande et roborative : on peut manger une betterave avec la même satisfaction qu’une entrecôte et il nous le prouve !

 

Le Domaine de Primard est un éloge de la lenteur. “Les clients n’ont rien prévu après le repas alors ils prennent le temps : ça aussi, ça change le cours d’un repas” ajoute le chef. L’accord mets-vins proposé par le sommelier Louis Muller réserve quelques surprises dont un magnifique vin jaune du Jura, un joli gewurztraminer alsacien et un rare commandaria chypriote. Et la promenade digestive qui s’ensuit, de la serre à la fontaine du château, prend un tour poétique sur ces terres nourricières.

Les Chemins

 

Entre légumes, légumineuses, racines, tubercules, fleurs, herbes et céréales, l’amplitude qu’offre le règne végétal est prodigieuse. Et la cuisine de Romain Meder devient une célébration par l’assiette de cette gourmande diversité du vivant. “Faire événement par le repas est mon but ultime !”, conclue-t-il.

 

En attendant les étoiles qui ne devraient pas manquer de pleuvoir, le chef se fait l’éclaireur de la grande cuisine d’un monde en changement.

 

Aïtor Alfonso

 

Les Chemins au Domaine de Primard

Ouvert du jeudi soir au dimanche midi

D16 28260 Guainville

+33 (0)2 36 58 10 07

https://www.lesdomainesdefontenille.com/fr/domainedeprimard-gastronomie.html

 

Crédit photo : Olivier Toggwiler