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IMMERSION


Perception (Paris 9) : vision double 

 

Septembre 2022

Perception

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Perception (Paris 9) : vision double

 

 

A Pigalle, un tandem mâtine la gastronomie française de touches coréennes. C’est chez Perception que Barnabé Lahaye, maître de salle aux manières de velours, et Sukwon Yong, cuisinier à la technique de haut vol, unissent leurs forces pour rapprocher Séoul de Paris. Rencontre avec ce duo expert en hospitalité dont le savoir-faire se déploie autant dans l’assiette que dans l’accueil, avec justesse et sans affectation - en attendant l’étoile Michelin ?

Perception
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Au numéro 53 de la rue Blanche, s’étirant jusqu’à la cuisine vitrée, Perception joue la carte de l’épure avec ses alcôves intimistes et ses recoins colorés de fauteuils verts et de banquettes terracotta. Un espace feutré, net et chaleureux qui importe la haute gastronomie dans un quartier de Paris qui n’en a pas vraiment l’habitude, davantage porté qu’il est sur les bistrots amicaux que sur les établissements étoilés. “C’est la synthèse de ce qu’on a voulu créer avec Perception : un restaurant exigeant dans l’assiette mais pas empesé dans ses manières, sans chichis, un gastro de copains” précise Barnabé Lahaye.

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Portant la courtoisie à la boutonnière, Barnabé étonne par sa polyvalence : après une formation à l’Institut Vatel et des débuts dans des bistrots, il devient chef barman au Sir Winston, brasserie chic du 16ème arrondissement, puis directeur d’une cave parisienne, avant de partir au Congo pour y gérer un lodge. A son retour, il devient directeur de salle du restaurant gastronomique Maison Rostang, doublement étoilé.

 

“Pour moi, la priorité, c’est que le client vive l’expérience au restaurant de manière globale et à ce titre, l’accueil est aussi important que la cuisine. Le service est une valeur ajoutée immense”, explique-t-il. L’objectif de Barnabé, donc ? Faire revenir le client, car s’il y a un savoir-faire en cuisine, il y a un savoir-recevoir en salle dont il est le garant.

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L’autre membre du binôme est Sukwon Yong : né à Séoul, il se consacre d’abord au management dans le sport avant de bifurquer définitivement vers la cuisine et d’intégrer l’école Ferrandi sur les bons conseils du chef William Ledeuil, grand chef saucier. Après plusieurs années à ses côtés, il intègre la Maison Rostang où il est en charge des viandes et des jus. C’est là que le duo se rencontre avant de sceller son alliance quelques années plus tard. “On s’est tout de suite bien entendu et l’idée d’ouvrir une adresse ensemble a vite germé”, avoue Sukwon.

 

Un mariage de raison entre deux belles technicités : si Barnabé maîtrise à la perfection l’art de l’accueil, Sukwon est un chef méticuleux et créatif, fasciné par le beau geste en cuisine - “avec ce twist coréen qui fait la différence” précise le chef de salle. Sukwon sait découper un cochon entier ou maîtriser la concentration d’une sauce suivant la grande tradition française mais il sait aussi apporter des touches empruntées à la foisonnante cuisine du Pays du Matin Calme. Précisons les choses : Perception n’est pas un restaurant traditionnel coréen, ni un restaurant fusion mais bien une adresse de cuisine française subtilement rehaussée par des notes est-asiatiques. “À la carte, pas de plat emblématique de la Corée mais une cuisine dont les bases françaises viennent piocher ici et là des produits et des techniques de chez moi”, précise Sukwon.

 

Quelques exemples ? Cet été, le chef préparait une daurade marinée à cru assaisonnée de vinaigrette au bokbunja, cette framboise noire coréenne : une entrée réfrigérante, accompagnée de pickles de concombre, tomates cerises confites et surmontée d’un granité d’eau de tomate. L’une des grandes entrées de Perception, ce sont aussi les fines ravioles coréennes chargées de gambas et de kimchi, barbotant dans un divin bouillon de crevettes grises, en compagnie de chou bok choi et de haricots verts au beurre.

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Plus loin sur la carte, c’est le rouget passé sur la plancha qui est prolongé de cannellonis de carotte ingénieusement farcis d’algues et de petits pois, le tout fouetté d’un jus de poisson au gochujang, un piment est-asiatique. Tandis que le filet mignon de cochon se pare d’une purée de pommes de terre, avec pleurotes, oignons rouges grillés et condiment à l’échalote noire - et un jus de cochon corsé, brillant et soyeux.

 

Et en dessert bien français, l’éclair au chocolat est combiné à un sorbet cassis dans un accord de fruit rouge et de cacao traditionnel mais sous une forme pâtissière novatrice combinant gourmandise enrobante et fraîcheur acidulée.

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Côté vins, Barnabé partage ses coups de cœur du moment, entre un jurançon Domaine du Bois Sacré sec ou demi-sec, un muscadet de Pierre-Henri Gadais et un trousseau de Damien Courbet dans le Jura. Et comme tout est pensé jusqu’au moindre détail, le café final aussi mérite le détour : il est coulé grâce à une cafetière ultra-technologique, rutilante comme un vaisseau spatial posé dans un coin de la cuisine. Une machine à café de la marque El Rocio directement connectée en temps réel à Séoul d’où sont faits les réglages pour vérifier l’extraction ou ajuster la mouture. “Notre café provient de chez Youdong, un torréfacteur coréen star de l’île de Jeju, élu meilleur torréfacteur du monde en 2020”, nous apprend Sukwon.

 

Et pourquoi ce nom de Perception, se demande-t-on ? “Parce que tous les sens sont ici convoqués, toutes les perceptions sont mises en éveil”, nous explique Barnabé. À la fin du repas, cela ne fait aucun doute : les deux alliés visent une étoile Michelin à court terme, tous les marqueurs semblent réunis. “Ce serait une belle reconnaissance pour Sukwon et pour moi”, avoue Barnabé. De grandes ambitions qui, si elles se réalisaient, feraient de Sukwon Yong le premier cuisinier coréen étoilé de Paris.

 

Aïtor Alfonso

 

Perception

Ouvert du mardi au vendredi, déjeuner et dîner; le samedi; dîner uniquement

53 rue Blanche

75009 Paris

(+)33 (0)1 40 35 78 32

https://www.restaurant-perception.com 

 

Crédit photo : Olivier Toggwiler